Ses anciens disques restaient parmi nos préférés d'une époque prometteuse où Nina Morato, dans la ligne de Catherine Ringer, semblait devoir prendre la tête des nouvelles frondeuses parmi lesquelles figuraient alors les Elles, Clarika, Rachel des Bois, Zazie ou bien Gina et l'orchestre… Mais qui se souvient encore de Gina? Avec son premier album, JE SUIS LA MIEUX, Nina, elle, décrocha la Victoire de la Musique de la révélation féminine de l'année en 1994. Et c'était mérité. Maman (sur lequel jouait un tout jeune guitariste du nom de Matthieu Chedid…), L'amant d'un soir («T'es con je trouve / Mais j'aime bien comme tu bouges…») et Je suis un vrai garçon («J'veux pas! / Lèche-moi…») ont gardé leur fraicheur insolente. Ce qui charmait aussi chez la Parisienne, c'était la voix, matoise et enchanteresse. D'ailleurs, il suffit d'écouter Le bal des parfums ou Mon bébé qui dort, ces douceurs, pour succomber à nouveau… Deux beaux albums suivront, L'ALLUMEUSE (1996) et MODERATO° (1999), avant le grand silence. Pourtant, la voilà revenue, rompant dix-sept années d'absence! Dans un pays normal où, parce qu'il soutiendrait sa richesse musicale, l'on ne s'ennuierait pas en écoutant la radio, trois ou quatre chansons de ce disque embraseraient déjà les playlists: Tout est doux, vaporeuse et maternelle, Hollywood et son refrain qui colle, Ah non, non, non, non sur lequel un guitariste-chanteur du nom de Matthieu Chedid lui donne aujourd'hui la réplique ou Fanfaron, sur les ordures qui bastonnent leurs compagnes. La plus profonde d'entre elles, En toi, cartographiant les différents foyers de l'effervescence, de la révolte et des résistances imprévues en ce début de siècle que seul le genre féminin pourra peut-être sauver de l'apocalypse: «Mes oreilles vivent en Afrique / Mon sang en Afghanistan / Poing levé en Tunisie / Mais en Toi / Je me rassemble…» Quand la Morato l'ouvre, ça n'est pas pour faire la maligne.
Baptiste Vignol