Ainsi donc le voilà, le «plus bel album de la rentrée 2016» selon Benjamin Locoge (Paris Match, du 6 au 12 octobre): À PRÉSENT, de Vincent Delerm. Son sixième en carrière depuis Fanny Ardant et moi, en 2002. C'était hier. Point de Fanny ici, mais la voix de Jane B évoquant «Serge». Vincent Delerm n'a pas quitté son canapé. Pendu à ses idoles, il reste accroché à ses polaroids et l'ombre de ses souvenirs (l'image nabokovienne, nourrie de réminiscences, de la nymphette en tenue de tennis…). Vincent ressasse. Et «ne veut pas mourir ce soir». Ça tombe bien, nous non plus. Ce serait pourtant chouette que cet indécrottable étudiant cesse de faire du Delerm, ouvre enfin ses fenêtres, perçoive le bruit de la rue, sorte et lâche ses quartiers d'automne. Qu'il chante l'époque, la ligne 13, l'obligatoire barbe de trois jours, les amours populaires et la fonte des glaces. Ce court album de onze plages (dont un instrumental pour rien et une sorte de dialogue de cinquante secondes autour du bonheur) propose des chansons effaçables, aux mélodies vagues et flottantes que les somptueux arrangements de Clément Ducol n'arrivent pas à transcender. Dans À présent, plutôt réussie d'ailleurs, sur le temps qui passe et se renouvelle sans cesse, Delerm s'accompagne d'une chorale dans laquelle se trouvent parait-il Alain Souchon, Albin de la Simone, Camille et d'autres musiciens parmi une vingtaine de camarades noyée derrière la voix d'une interprète anonyme. Quel intérêt? Ce disque en réalité passionnera quelques rédactions parisiennes et la foule effeuillée de leurs abonnés. De quoi en vendre 30.000. À moins que son duo, Les chanteurs sont tous les mêmes, interprété avec Benjamin Biolay, ne fasse un mini-hit radiophonique. Car la voilà la vraie bonne chanson du CD, entrainante, moqueuse et rigolote. Il n'en demeure pas moins que dans cette peinture du drôle de métier qu'est celui de «chanteur de variété», la voix de Benjamin Biolay semble avoir du vécu, du chien, du coffre presque quand celle de Vincent Delerm parait sage et rangée. Sonnant comme une caisse d'épargne.
Baptiste Vignol