Chanson d'enfer


Certaines chansons vous fichent les larmes aux yeux. C'est rare, quand on n'est pas spécialement émotif, mais ça arrive. Mon fils est parti au djihad en fait partie. Tout est dit dans le titre, et le pire est à craindre. Faudra-t-il essuyer un torrent de sensiblerie? Une leçon de moralisme outré? Un cri raté? Non. Jeune ingénieur en mathématiques appliquées, Gauvain Sers a décidé de tout miser sur la chanson. S'il n'a pas encore sorti son premier album, il est en train de marquer les esprits. Car en se glissant dans la peau d'un père de famille, le chanteur parvient à décrire en quatre minutes et quelques couplets bluffants de maitrise à quoi peut ressembler l'enfer. Et l'on songe forcément, pour le style, le soin qu'il apporte aux rimes, l'accompagnement musical – tout au service des mots – et le phrasé sablonneux à Renaud, le Renaud périphérique de la période Polydor (1975-1982), dont Gauvain Sers pourrait bien être finalement le premier héritier solide. Une chanson de cet acabit ne s'écrit pas par hasard. Renaud qui, d'un coup de fil imprévu, vient de lui proposer la première partie de ses dix zéniths parisiens! La chetron sauvage n'aurait-elle donc rien perdu de son flair?


Baptiste Vignol