Il flotte sur les douze titres du disque FABRIQUER L'AUBE la même lumière blanche qui baignait les chansons de Stephan Eicher au temps glorieux d'ENGELBERG. L'efficacité rythmique, la puissance des musiques, l'intelligence des textes. «Comme pour un roman, c'est la première phrase [de la chanson] qui déclenche tout» expliquait Philippe Djian, l'indépassable parolier du Gitan suisse. «J'abandonne sur une chaise le journal du matin/ Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent…» (Déjeuner en paix). Inusable. Pour ouvrir son sixième album, Vallières, ce Québécois né en 1978 à Sherbrooke, chante sur un bourdonnement de guitare: «En regardant finir le monde/ Et naître mes désirs/ J'arrive à me dire/ Que tout n'est pas si pire.» Vallières est là, niché dans cette circonspection, cette sagesse qui parvient encore à nourrir quelques espérances. La marque d'un artiste inquiet, lucide, mais porté par ses impatiences. Et si l'on ne peut aujourd'hui que «s'accrocher à ce qui nous reste de sincère:/ L'amour, notre parole, la prière/ La bouffe de nos mères» (Avec toi), Vallière nuance aussitôt: «Ce que je veux te dire maintenant/ Compte plus que n'importe quoi/ Je veux passer le reste de mes jours/ Avec toi».
Le sens qu'on donne à son existence (L'amour c'est pas pour les peureux), l'amour paternel (Lili), la fonte des glaces (La chanson de la dernière chance), les difficultés à vivre en couple (Mélie)…; toutes les «tounes» de ce disque sont des mines d'évocations, de souvenirs, et Vallières en fait flèches! Et puis il y a ces deux pièces springsteeniennes portant chacune le nom d'une cité ouvrière, Fermont et Asbestos, «villes fantômes/ Abandonnées au nord à l'ombre/ Comme tant de promesses oubliées…», dans lesquelles le songwriter (David McNeil a raison, «auteur-compositeur-interprète» manque vraiment trop d'allure) évoque le sort des familles séparées par la crise: «J'ai une femme pis un enfant/ Qui m'attendent à Trois-Rivières/ Moi, je suis pogné dans le Nord/ Sur un 21/7 d'enfer…» (Fermont). Parce qu'il se souvient qu'une nation n'est pas uniquement peuplée de blogueurs branchés sur facebook, Vallières rappelle: «C't'à la pelle pis à la pioche mon gars qu'on bâtit/ Sa route, sa maison pis son pays» (Asbestos). Visionner deux ou trois vidéos sur la Toile suffit pour constater qu'aucun chanteur à guitare de sa génération ne pourrait en France afficher autant de souplesse, de style et de décontraction. La classe américaine quoi!
Le sens qu'on donne à son existence (L'amour c'est pas pour les peureux), l'amour paternel (Lili), la fonte des glaces (La chanson de la dernière chance), les difficultés à vivre en couple (Mélie)…; toutes les «tounes» de ce disque sont des mines d'évocations, de souvenirs, et Vallières en fait flèches! Et puis il y a ces deux pièces springsteeniennes portant chacune le nom d'une cité ouvrière, Fermont et Asbestos, «villes fantômes/ Abandonnées au nord à l'ombre/ Comme tant de promesses oubliées…», dans lesquelles le songwriter (David McNeil a raison, «auteur-compositeur-interprète» manque vraiment trop d'allure) évoque le sort des familles séparées par la crise: «J'ai une femme pis un enfant/ Qui m'attendent à Trois-Rivières/ Moi, je suis pogné dans le Nord/ Sur un 21/7 d'enfer…» (Fermont). Parce qu'il se souvient qu'une nation n'est pas uniquement peuplée de blogueurs branchés sur facebook, Vallières rappelle: «C't'à la pelle pis à la pioche mon gars qu'on bâtit/ Sa route, sa maison pis son pays» (Asbestos). Visionner deux ou trois vidéos sur la Toile suffit pour constater qu'aucun chanteur à guitare de sa génération ne pourrait en France afficher autant de souplesse, de style et de décontraction. La classe américaine quoi!
Baptiste Vignol