D'innumérables nuées d'excellentes chansons n'atteignent jamais l'oreille du grand public. Rarement très beau clip passe inaperçu. C'est la force de l'image, son pouvoir de séduction immédiate. Pour gagner la popularité à laquelle ils aspirent tous, les chanteurs devraient donc aujourd'hui déployer, à l'ère d'Internet, autant d'imagination pour habiller leurs chansons qu'ils en mettent pour les composer. Des clips, qui racontent une histoire, proposent de nouvelles lectures, sont faits de plans inattendus, à la Jean-Christophe Averty, de ruminations et d'éclairs; des clips, qui assument sans rougir leur ambitions panoramiques ou misent leur obole sur la sensibilité du spectateur, ses doutes et ses enjouements, sans surligner à gros traits vaguement esthétiques des paroles qu'ils voudraient sublimer à coups de perspectives bon marché. L'art du scopitone somnole en France. Loin des premières et grandiloquentes sorties de Mylène Farmer tournées en 35 mm par Laurent Boutonnat, passées les envolées jamais dénuées d'humour de Jean-Baptiste Mondino (C'est comme ça, Osez Joséphine), Philippe Bensoussan (La Balade de Jim, Musulmanes), Michel Gondry (La Tour de Pise) ou Bernard Schmitt (Là-bas, Ella elle l'a), le dernier «grand» clip d'une chanson française pourrait bien être Ta douleur de Camille. C'était en 2005. Ça date. Un clip, ça doit être d'abord une idée, forte, qui, parce qu'elle induit de l'inventivité, mais aussi du travail et du plaisir de faire - cela se remarque à l'écran !- captive le regard. Ingrédients d'une sacrée performance qui fait aujourd'hui sensation sur la Toile, donnant en quatre minutes une visibilité planétaire au morceau qu'il élève: The Writings on the wall du groupe OK Go. D'une exactitude réjouissante.
Baptiste Vignol