«C'est moi qui renaît à la pâque / C'est moi le printemps»… Bensé. Son premier et précédent album sorti en 2008 avait pu passer inaperçu auprès de certaines oreilles qui s'imaginent pourtant expertes en variété française. Mais l'on ne connaît jamais rien tout à fait. Une nouvelle chanson, Le Printemps, extraite d'un EP titré LES FILLES DU PRINTEMPS (2014), vient de jeter l'ancre sur le Net. La crise du disque a cet avantage que les artistes sont libres désormais de sortir leurs chansons quand bon leur semble, au format qu'ils désirent. Celle-ci dure 5'07. Bannie des quais radiophoniques, donc... Et pourtant. Il s'agit là d'une chose hors norme, somme d'équations existentielles, réflexion sur le temps, pleine d'angoisse, qu'auraient très bien pu chanter Jacques Brel ou Léo Ferré. L'auraient-ils mieux fait que Bensé? Pas sûr. Portée par un clip d'une simplicité lumineuse, où tout s'éclaire, comme par magie, à la quarante-quatrième seconde de la deuxième minute, la chanson déploie ensuite ses voiles qui lentement se gonflent, majestueuses, cinquante-neuf secondes plus tard, à la deux cent treizième du morceau (3'33) : «C'est moi les bateaux sur le lac / C'est moi l'amoureux qui te ment.» De ces réussites enivrantes qu'il est impossible de zapper sur les paroles desquelles la mélodie verse de l'or. Que dire enfin de l'instant précis où dans le clip (2'28) apparaît un visage de madone, celui de la plus belle femme du monde? Grâce à cette oraison printanière, Bensé ressuscite, en grande cérémonie.
Baptiste Vignol