Tous azimuts


«Je fais part de ma décision de ne pas reprendre avec Noir Désir, pour désaccords émotionnels, humains et musicaux avec Bertrand Cantat, rajoutés au sentiment d’indécence qui caractérise la situation du groupe depuis plusieurs années» (Serge Teyssot-Gay). La gifle. Mortelle. Ad hominem.

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(François Jouffa descendant d'un avion avec The Beatles)

70 ans. L’âge qu’aurait eu John Lennon en octobre 2010 s’il n’avait pas été assassiné le 8 décembre 1980. Soixante-dix ans, de quoi ressortir des intégrales, publier des bouquins, exhumer toutes sortes d’archives et des témoignages douteux. Bizarre que les maisons de disques qui devraient en ces temps de crise fourmiller d’idées n’aient pas eu celle de concevoir une compilation de chansons françaises écrites sur John Lennon et plus largement les Beatles puisque le dernier album du groupe, LET IT BE, est sorti en mai 70, il y a quarante ans… Il fallait le demander à François Jouffa qui, lui, les a bien connus. Pour établir son track-listing, parmi les dizaines de titres dédiés aux Anglais, Jouffa aurait probablement choisi, entre succès, bizarreries et raretés, un panachage ressemblant :

-Je préfère naturellement, Dalida 1966
-Et Paul chantait Yesterday, Michel Delpech 1970
-Ringo Starr, La Grande Sophie 2003
-Et tu pourras aller au ciel chercher les diamants de Lucy, Darras et Desumeur 1975
-Liverpool, Patsy 1985
-Merci John d’être venu, Christophe 1976
-Il a neigé sur Yesterday, Marie Laforêt 1977
-Je chante pour ça, Jean-Jacques Goldman 1984
-Adieu Lennon, Michèle Torr 1981
-Idées d’idylle, Étienne Auberger, 1987
-Liverpool, Weepers Circus 2007
-Lennon Kaput valse, Alain Souchon 1983
-Lettre de Paul à John, Éric Charden 1990
-Les Beatles de 40, Mouloudji 1965
-J’aimais quatre garçons, Marie-Paule Belle 1989
-Héros in héros out, Yves Simon 1981


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Le “Billet dur” que Christophe Conte signe chaque semaine dans les Inrockuptibles justifierait à lui seul l’achat de ce magazine. Celui paru dans le numéro du 1er au 7 décembre 2010 est adressé au chanteur Grégoire qui, dans le Grand Journal de Canal +, a repris Across the Universe : “Avec ton anglais de 5ème, lui écrit Christophe Conte, tu as fait la vertigineuse démonstration du rapport cosmique entre l’infiniment petit et l’infiniment grand. À la place de John Lennon, j’aurais eu vite fait de voler “across the universe” pour t’en coller deux, mais par chance je pense qu’il ne fut pas mis au courant de ce nouvel assassinat.” Les précédentes torpilles de Christophe visaient Mylène Farmer, Raphaël, Florent Pagny, etc.
À noter l’entretien avec Booba (pour qui Mistral gagnant est la plus belle chanson française) et Nicolas Anelka, qui déteste La Marseillaise et affirme: “En équipe de France, je n’ai jamais voulu la chanter, ça ne m’est jamais venu à l’idée. Et si on m’avait demandé de le faire, j’aurais refusé, j’aurais quitté l’équipe.” Booba de rebondir: “Pourquoi on chanterait La Marseillaise? On ne se sent pas intégré, pas respecté. Quand Florent Pagny dit qu’il ne veut pas mettre ses enfants dans telle école pour qu’ils ne parlent pas comme des Algériens, il n’est pas emmerdé. Comment ne pas être dégoûté?

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Florent Pagny. C’est sa fête, cette semaine! Interrogé par Sophie Delassein dans le Nouvel Observateur du 2 au 8 décembre 2010, Benjamin Biolay compare l’époque actuelle à celle des cabarets, qui vit éclore Barbara, Brel, Brassens... “Aujourd’hui, les artistes sont mieux traités. On ne part pas en tournée dans une fourgonnette, et personne ne nous impose de faire la première partie de Florent Pagny.” Et toc! Puis il insiste, en s’emportant: “À l’époque des Brel et Barbara, on pouvait imposer aux artistes d’être en vedette américaine de Dario Moreno.” Oups. Là, Biolay s’égare. Et Sophie Delassein, qui connaît la chanson, aurait dû aussitôt lui rappeler qu’on ne mélange pas les torchons avec les serviettes. Mais Sophie manqua de répartie, noyée, probablement, dans le regard brumeux du chanteur… Contrairement à Florent Pagny, Dario Moreno n’était pas «qu»’un ténor d’opérette. Né d’un père juif turc et d’une mère mexicaine, éminemment cultivé, c’était un artiste épatant, polyglotte, excellent danseur, bon comédien, suffisamment talentueux pour que Brel en personne lui demande d’interpréter le rôle de Sancho Pança dans L’Homme de la Mancha, créé à Bruxelles en octobre 68. Le 1er décembre 1968, dix jours avant la première parisienne, Dario Moreno succombe à une hémorragie cérébrale alors qu’il se trouve à Istambul pour y présenter ses nouvelles chansons enregistrées en turc. Il avait 47 ans. Il sera remplacé au pied levé par Robert Manuel. Dernière précision: “Avec Dario Moreno, je me suis beaucoup amusé. C’était un musicien formidable, très audacieux.” Citation signée Michel Legrand.
Un peu plus loin dans l’interview, Sophie interroge Benjamin sur ses goûts du moment. “J’écoute de vieilles chansons que je ne connaissais pas, comme celles d’Enrico Macias, que j’adore. Toute une partie de sa discographie est en béton armé. Macias est un grand musicien doté d’une voix en or qui fait des choses incroyables à la guitare.” Là, Biolay dit vrai. Aimer Macias doit d’ailleurs être la marque des mélodistes inspirés. Julien Baer, par exemple, le plus érudit des chanteurs français, demandera facilement à une heure du matin : “Mets-moi Les gens du Nord de Macias, c’est tellement beau!
Il faudrait que Julien Baer fasse découvrir Dario à Biolay.

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Les deux as du football français des vingt dernières années. Zidane et Cantona, issus des quartiers populaires de Marseille. Tandis que le premier bazarde son nom et sa réputation à coups de millions d’euros, le second tire une sonnette d'alarme en appellant les Français à vider leurs comptes en banque. “Je ne crois pas qu’on puisse être complètement heureux en voyant la misère autour de nous. Ou alors on vit dans un cocon hermétique à tout. Mais il y a quelque chose à faire: le système est bâti sur le pouvoir des banques. Donc il peut être détruit par les banques. Au lieu que trois millions de gens descendent dans la rue pour manifester, ils vont à la banque, ils retirent leur argent et les banques s’écroulent… Pas d’armes, pas de sang, rien du tout, une révolution à la Spaggiari.” Rien d’étonnant à ce que des chansons (la dernière en date étant Cantona de Cali, 2010), des films et des bouquins statufient le King d’Old Trafford, quand l’image de Zidane se liquéfie.

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Dans le n°2 du magazine Serge, Patrice Bardot et Didier Varrod interrogent Renaud à l’occasion de la sortie de son intégrale vinyle. Après une vingtaine de questions dont seize n’ont rien à voir avec la chanson (mais plutôt avec l’alcool, la drogue, la politique, la paternité, la vie en banlieue loin des bistrots du quatorzième arrondissement…), Bardot et Varrod concluent leur "mise au point" par cette question: “Est-ce que vous regrettez que les journalistes ne vous parlent pas plus de vos chansons ?

Baptiste Vignol