Ce qu'il reste d'un succès? La musique, quand on a oublié les paroles. C'est pourtant grâce à leur impact, leur poésie, qu’une chanson accroche l'oreille du public et s’immisce dans son inconscient. Imperceptiblement. Comme la vague s’échoue sur la grève et s'imprègne en partie dans le sable avant le reflux... D’où l’intérêt d’être servi(e) par des auteurs capables, solides et inspirés. C’est avec un titre inédit, Vague à l’âme sœur, sorti à l’occasion d’une compilation (BEST OF & VARIATIONS), que Vanessa Paradis rappelle quelle formidable interprète elle peut être sitôt qu'on lui donne de quoi s'exprimer. Sur une musique de Mark Daumail, elle évoque (texte de Bertrand Belin) le destin des amours soudaines qui, soulevées par le souffle des vents, se balancent comme des hamacs avant de se briser en mille éclats d'écume. De magnifiques paragraphes sur la splendeur des vagues, qui vont, qui viennent, filles du large et des alizés, parsèment l'autobiographie de William Finnegan, «Jours barbares, une vie de surf» (Prix Pulitzer 2016). A ce moment du récit, l’action se déroule dans l’archipel des îles Yasawa aux Fidji: «Quand la marée culmina, il se passa un étrange phénomène. Le vent tomba et l’eau, déjà très limpide, devint encore plus transparente. Il était midi, et le soleil au zénith la rendait quasiment invisible. Un peu comme si nous flottions sur un coussin de néant, en suspension au-dessus du récif. On voyait le ciel, l’océan et le fond de la mer au travers. Et, quand j’en ai pris une et que je me suis levé sur ma planche, elle a disparu. C’était comme surfer sur l’air. La vague était si petite et si translucide que je ne parvenais pas à distinguer sa face des creux qui la précédaient ou la suivaient. Je devais surfer au jugé. C’était onirique. » Impossible de ne pas songer au livre de Finnegan en découvrant le clip onirique de Vague à l’âme sœur. La voix, les mots, la musique, l'image, tout concorde. Et la chanteuse rayonne telle une icône solitaire à la fureur tranquille. Sublime.
Baptiste Vignol