(Photo Lara Herbinia)
En dégainant IL FRANCESE de son fourreau, Murat prouve qu’après quarante ans de chevauchée musicale, on peut encore épater son monde et retrouver dans un geste princier la place d’un condottiere dont l’esprit rebelle et la foisonnante culture imposèrent longtemps le respect avant qu’il ne devienne, par mégarde, le temps d’une parenthèse hasardeuse, au début des années 2010, le «dézingueur» patenté du champ des variétés. Murat, pour le quidam, avait alors, façon Biolay, le profil du grognard qui visait juste sans doute, mais que ses soutiens historiques, froissés par ses saillies (dont ils n'étaient pas épargnés), avaient abandonnés, au premier rang desquels les bidasses des Inrocks dont les critiques bébêtes occultaient désormais l'intrépide liberté qui n'a pourtant jamais cessé de caractériser l’œuvre du prophète auvergnat. Car la poésie terrienne de Murat, de lave et de lichen, a toujours pris le chemin des poneys, échappant à la foule des rimailleurs tout autant qu'elle méprise les vers acrobatiques, salonnards et léchés qui lessivent tout propos. La chanson de Murat brûle d’amour, de flashs et de fièvre, du friselis des feuillages au faite des hauts peupliers, d'haleines chaudes, de chagrins et d'humidités, portée par une voix dont la sensualité n’a pas d’égale dans nos contrées. Mylène l'avait compris la première. Et c’est avec Je me souviens, ce chef-d’œuvre cardinal – la chanson de l’année, qu'il revient sans se camoufler dans un clip pourpre où l'homme du Cézallier arbore en pleine soixantaine une allure, un regard, une sérénité impeccables. Pourtant, les fonctionnaires du show-biz qui votent en cette fin d’automne « gilet jaune » afin d'élire les prochains candidats aux Victoires de la Musique l'ont évincé d’entrée du cours ordinaires des nominations… Tout est donc définitivement dit sur la paralysie faciale d'une cérémonie à bout de souffle. Se rappeler qu’avec Je me souviens Murat liquide le troupeau. Droit sur sa selle.
Baptiste Vignol