L'avalanche Nevsky


Serions-nous donc nés en France pour entendre des fadeurs? Les idoles apprêtées qui concourent aux Victoires de la Musique, cette cérémonie que les mordus ne regardent même plus, s'appellent… Non, cessons d'en donner les noms! Le métier les répète assez. Mais au Québec, ce pays merveilleux que la neige caresse encore plusieurs mois dans l'année, on encourage Peter Peter, Les Sœurs Boulay, Louis-Jean Cormier, Lisa Leblanc, Avec pas d'casque, Marie-Pierre Arthur, Alex Nevsky… La somme de leurs qualités - l'inventivité, la jeunesse, le style, le naturel -, toujours prête à séduire de nouvelles oreilles, fait cette génération propre à donner le la. 
Né en 1986, Alex Nevsky est originaire de Granby. Située à quatre-vingt kilomètres à l'Est de Montréal, cette ville de soixante mille habitants abrite depuis 1969 le fameux Festival International de la Chanson, proposant également avec l'École Nationale de la Chanson une pédagogie qu'Alex Nevsky salue dans le livret de son deuxième album. Sorti fin août 2013, il contient la «toune» la plus diffusée de l'année au Québec: On leur a fait croire, dont le clip dévoile une vénus blonde qu'on retrouve en Grande Odalisque sur la pochette d'HIMALAYA MON AMOUR. Douze chansons courtes et fantasmatiques («De vœux vertigineux en vœux vertigineux/ Je te déshabille de mieux en mieux», Himalaya mon amour), aux subtiles profondeurs, drapées de chœurs omniprésents auxquels Mélanie et Stéphanie Boulay, en sultanes favorites, mêlent leurs voix féériques. Disque de séducteur, dompteur de flots amers, sans l'être uniquement. Nevski ne déclare-t-il pas sans rougir s'être inspiré d'un roman d'Alexandre Jardin pour écrire Les coloriés, deuxième extrait du CD dans la vidéo duquel le fils de Pascal apparaît ? Et s'il s'engage avec J'aurai des mainsJ'aurai des mains/ Pour la jachère, la résistance/ J'aurai une voix/ Pour fuir la guerre du silence») éclose en 2012 pendant le Printemps érable, Nevsky rend par surcroît un superbe hommage au poète Georges D'Or (on doit à cette figure de la révolution culturelle québécoise des années soixante la monumentale Complainte de Manic qu'il créa en 1966) quand il décline sa citation «L'Homme est le plus beau des monuments/ Lorsqu'il se tient debout».
Il n'y a plus d'hiver chez nous, le climat fond à la tiédeur… Un drame pour la chanson française, les Québécois démontrant combien les grands froids excitent l'imagination. 

Baptiste Vignol