Au-dessus des nuages

«Déjà tout d'une grande.» Fin mars 2023, les médias s'emballent sur Zaho de Sagazan comme ils ne s’étaient plus emballés, de manière aussi unanime, depuis MULTITUDE de Stromae en mars 2022, avant de remettre ça en mai dernier, avec le nouvel Étienne Daho, TIRER SUR LES ÉTOILES. C’est ainsi. Parfois, la critique s’emballe et converge en meute à l'instar des nuées d’étourneaux, des essaims de criquets ou des bancs de harengs qui s'agrègent aveuglément. Compliqué dès lors ne pas être dubitatif avant de découvrir les chansons d'une jeune femme de 23 ans que l'on a directement comparée à Jacques Brel et Barbara. Et dont l'impressionnante tournée, portée par cet emballement, annonce déjà des Zéniths... Si tout n'y est pas parfait, n'en déplaise à ses fanatiques, LA SYMPHONIE DES ÉCLAIRS est un disque honorable, avec les défauts des premiers albums qui, parfois, les années passant, finissent par contribuer à leur charme. Inspiration ordinaire (Aspiration, Mon inconnu), voire gnangnan (Les garçons), message éculé (Ne te regarde pas), roulements de « r » agaçants parce qu'hélas un peu trop posés, hommage raté à Pierre Bachelet (Tristesse) n'empêchent pas deux chansons, deux très belles chansons de resplendir, flamberge au vent, et c'est jubilatoire. Les Dormantes d'abord, puissamment entêtante. Et La Symphonie des éclairs, dont l'univers rappelle les merveilles d’Angelo Branduardi qu'adaptait Roda-Gil. Enfin, ce serait redondance, après tout ce qui s’est écrit, dit, répété sur la voix de Zaho de Sagazan, de louer encore sa netteté, ses grincements boisés, son ampleur, ses rugissements rauques et ses émouvantes envolées. Précisons simplement qu'il suffit de l’entendre pour vouloir l’écouter. Ce qu'on appelle une voix.

Baptiste Vignol