La voix du seigneur

«Si j'ai bien deux ou trois Jean en moi / J'ai une armée de Louis...» (Le mec qui se la donne) Ainsi commence BABY LOVE DC. Comment mieux le dire? Murat est un type qui se donne, s'offre, sans compter. Sorti en octobre 2020, voilà la version mise à nu, monacale, esseulée, du disque BABY LOVE qui datait du mois de mars précédent, où perlaient notamment deux chansons d'amours débutantes, Si je m'attendais et La Princesse of the Cool. Leur relecture «déconfinée», ainsi qu'elle fut présentée avant la seconde quarantaine, s'agrémente de trois inédits de haut vol: Prince ahuriSuis-je ce vivant / Qui ne sait pas qu'il / Est mort?»), L'Arc-en-cielJe suis devenu / Un coucher de soleil...») et Que dois-je en penser dans laquelle le Puy-de-Domois, en moins d'une minute et quarante secondes, dit tout des passions finissantes qui sont le terreau noir des poètes de grand air: «Les histoires d'amour / Font tout le monde chier / Rebelote / Remettre ça / Sur le métier / Quel con.» Glacial. Un chanteur, c'est une voix. Et ça n'est même que ça. Qu'il trempe dans l'humus où l'artiste sème ses chansons. Les interprètes s'en trouvant dépourvus – ils composent le gros du troupeau – n'échapperont jamais au dédain du public. C'est ainsi. La voix de Jean-Louis Murat, elle, suggère la beauté sensuelle des brumes qui trainent en fumées sur les tourbières du Cézallier. D'une clarté mauve, animale, qui semble tomber des étoiles, elle tamise le fond de nos vies.

Baptiste Vignol