Chanteuse à vif


Elle s'appelle Marie-Flore. Son disque est un manifeste, un coup de poing. La chanson n'est plus la même depuis qu’Héloïse Letissier a créé Christine and the Queens. Simple constat. Les femmes ont pris le pouvoir. Angèle, Clara Luciani, Aya Nakamura... Cet album en est un autre témoignage. BRAQUAGE porte bien son nom. Il dynamite la variété. Et enrichit un genre. A coup de chansons toxiques. Leur thème unique est la passion, la passion amoureuse, qui finit toujours par vous mettre KO. Ce qui frappe d’entrée, c’est la puissance d’expression de Marie-Flore. Au fil de ces douze chansons torrides, sombre et bizarres, elle enchaine, de sa voix trouble et sensuelle, les formules canons, avec une ironie provocante. «J'fais du hors-piste pour toi...» (Sur la pente). «Des mecs, j'm'en suis tapée, ouais / Mais maintenant tu d'vrais rentrer / A Paris m'arrimer...» (Bleu velours). «T'es qu'une chanson d'album pour moi...» (Derrick). «Moi, j'lui balance que je l'aime / Lui m'dit: “Chacun ses problèmes!”» (M'en veux pas). «Si tu veux me faire l'amour à domicile / C'est quand tu veux...» (Presqu'île). «Pour moi t'es qu'un détail / Une pipe de plus que j'taille...» (QCC). «T'es mon braquage mon ange / Tu tires et tout s'arrange...» (Braquage). Etc. etc. Qu’une artiste puise dans sa propre tristesse pour faire œuvre de création n’a rien de neuf, mais qu’elle s'exprime avec une impudeur aussi magnifique est un signe. Le signe d’un climat. D'une conquête. D'une libération. L'époque change. Et la chanson l'accompagne. Il y a du Gréco chez Marie-Flore, du Biolay, du Bashung et du Brigitte Fontaine. Un cocktail romantique. Quelque chose d'épineux. Qui semble provenir de la rue. Un dandysme postmoderne. De l'éloquence. Une poésie crucifère. Loin, très loin de la cuculisation généralisée.

Baptiste Vignol