Cette chanson qui vapote


L'Huma du 24 mai 2019 parlait du quatrième disque de Renan Luce comme d'un «grand album sentimental». Le Parisien du 25 y voyait un chef-d'œuvre. Le JDD du 26 évoquait un CD «magnifique». Paris-Match, le 29, saluant un recueil «délicat et essentiel»! Bon. Désolé de casser l'ambiance mais le nouveau Renan Luce s'écoute en onze minutes puisqu'il compte onze chansons et qu'il faut avoir du temps à perdre pour s'attarder plus de soixante secondes sur ces aimables rengaines truffées de mots que plus personne n'emploie: «ce baiser tantôt», «nos vilaines tours», «communément» (fallait le placer celui-là dans une chanson), «enguirlande», «batifole», «meunier»... De l'inconvénient de ne pas être relu... Renan Luce, pourtant, en toute modestie, affirme dans Le Parisien «partager avec Renaud la même passion de la minutie de l'écriture.» Bien. L'«écriture» du «chansonnier» ainsi que l'appelle Paris-Match n'est pas déplaisante, elle colle à ses mélodies de tiède consommation. Mais elle n'a rien à voir avec la plume de Renaud qui fit dans la poésie avec la réserve que cela suppose, le brillant des formules, le charme — et l'élégance — de l'allusion... Reste l'interprétation. Quand on s'entoure d'un orchestre symphonique, mieux vaut avoir une voix d'airain pour ne pas être englouti par les vagues de violons, de cuivres, de hautbois. Le tout fait donc un disque qui vapote, lisse et complaisant, vaguement opportuniste. Jamais drôle ni cru. Ces qualités indispensables qui ont toujours fait le génie de Renaud justement.

Baptiste Vignol