Guatémaltèque de naissance, Carmen Maria Vega, victime d'un trafic d'enfants, a toujours vécu en France, adoptée par des parents lyonnais. Après avoir au cours de ces dernières années remonté le fil de ses origines, et son lot de souffrances, la chanteuse aux yeux de jaguar, dont on avait pu remarquer le caractère, la gouaille et les talents de meneuse dans la comédie musicale «Mistinguett, les Années folles», a prié des auteurs et des compositeurs (parmi lesquels Mathias Malzieu, Zaza Fournier, Belle du Berry, Chet, Jean-Pierre Pilot…) de mettre en musique sa quête d'identité. Car la jeune femme, et c'est le signe de son intelligence, a l'humilité des grands interprètes : évitant de se prendre pour ce qu'elle n'est pas, une parolière, une mélodiste, elle donne corps, et avec quelle félinité, d'une voix douce et profonde comme un pelage fauve, aux textes qu'elle se choisit. Son nouvel et quatrième album compte une douzaine de chansons tempétueuses et impolies, dont deux absolument parfaites, ce qui n'est pas rien. La première, Santa Maria, rappellera «Les Conquérants» d'Heredia. «Départ du navire sous les astres dorés / J'entame le voyage sur l'océan déployé…» Écrite par Baptiste W. Hamon sur une partition d'Alma Forrer, cette complainte phosphorescente ne met pas les pieds dans le plat mais peint de biais le retour au pays de l'enfant déracinée, ivre d'un rêve héroïque et brutal. Quant à la seconde, Aigre-doux, elle est l'œuvre du crack Jean Felzine dont on reconnait illico le style rétro rock, ce qui jamais ne nuit au propos. Ce slow parfait, la chanteuse le sublime et l'on voudrait le danser dans ses bras. Muchas gracias señorita.
Baptiste Vignol