L'ombre claire de Julien



PARTOUT LA MUSIQUE VIENT est le titre du dernier album en date de Julien Clerc, sorti en septembre 2014. Déjà. Est-ce une raison de passer à côté? Le disque comporte douze chansons dont certaines (On ne se méfie jamais assez et Danser) auraient affolé les hit-parades au début des années quatre-vingt quand Juju cassait son image avec Lili voulait allait danser (n°3 des charts en décembre 1982), Cœur de rocker (n°2 en novembre 1983) et La fille aux bas nylons (n°18 en nov. 1984)… Même tempo, même bonté, même énergie, même légèreté, la voix du compositeur n'ayant presque pas bougé. Mais Julien Clerc n'a plus l'âge du chanteur à tubes sur lesquels se dandinent en flirtant les jeunes gens, c'est désormais un phare dont la carrière impose le respect. Le moins facile à accomplir. Une chanson du disque se démarque, Le chemin des rivières, sur le vieillissement d'un homme (même s'il parait être resté bloqué dans sa cinquantaine, Julien Clerc est né en 1947): «Je sens la brume emporter mes plaines / Je sens le vent plier mes vaisseaux / Et mes envies autrefois souveraines / Dorment tranquilles au creux de mon dos.» Fallait oser. Écrite par Carla Bruni, qui signe là son chef-d'œuvre, Julien Clerc l'a vêtue d'une musique qui coule et grossit sans jamais sortir de son lit, et qu'il canalise d'un trait, par la grâce unique de son chant. Certains auteurs devraient se contenter de servir les grands interprètes, ça les élève.

Baptiste Vignol