Aznavour reste là


Admirable Aznavour. Soixante-huit ans après J'ai bu, l'une de ses premières chansons dont Georges Ulmer fit un succès en 1947, le voilà qui propose, en 2015, son cinquante-et-unième album studio, ENCORES
- Et alors? Hallyday sort bien en novembre son cinquantième LP
Taratata! Chez Hallyday, pas grand chose à garder depuis le gentil Tennessee de Michel Berger. Tandis qu'Aznavour luit, émerveille par sa constance, son goût du quatrain équarri et le soin qu'il donne aux musiciens de l'habiller jazzy. Avec un brin de nostalgie ouvre la porte de ce disque chaleureux au fil duquel la Star, qui fut avec Guy Béart, et bien avant Serge Gainsbourg, le premier auteur «cru» de la chanson française, parle de «sexe», de «ménopause», du «parfum des aisselles» de la femme qu'il aime, ces choses inusitées dans la variété frelatée, n'ayant pas honte non plus de faire dans l'alexandrin quand Gainsbarre, lui, affirmait à Pivot ne pas pouvoir s'abaisser à «ça»... Mais le disque contient aussi des chansons inattendues: Et moi je reste là, sur la mort du monde paysan; Chez Fanny, dédiée aux femmes de l'ombre qui, sous l'Occupation, «savaient y faire / Pour nous éviter l'S.T.O.»: «Depuis on ne parle plus guère / De ces jeunesses sacrifiées / Qui étaient marraines de guerre / De résistants et prisonniers…». Ainsi qu'un nouvel hommage à Piaf, De la môme à Édith: «Elle chantait, j'allais l'entendre / Perdu au rang des promenoirs…» Ils sont devenus rarissimes les hommes qui l'ont côtoyée, et que la grande dame a aimés! Leur parole vaut de l'or. Un disque à l'imparfait, donc, qui chante à la perfection.

Baptiste Vignol