Le cas caséeux de «The Voice»


Il s'appelle Lilian, il a plutôt l'air gentil, semble modeste, bien élevé et se coiffe d'un béret parfois. C'est son côté terroir - qui dut plaire aux gens de TF1. Il «chante» aussi paraît-il, il a surtout le don de transformer l'or en pâte molle. Ce fromager franc-comtois a pourtant été désigné samedi soir «plus belle voix de France» dixit l'animateur du programme. Tout cela est profondément ridicule, aussi risible que le regard coulant, bien fait, crémeux de sa prof de chant. Son destin sera celui de Christophe Willem, qu'on appelait «la tortue» du temps de sa gloire: deux ou trois disques et puis s'en va. Ce qui est déjà beaucoup. Pointaient pourtant dans ce concours télévisé trois interprètes séduisants: un monsieur blond sachant s'attaquer avec élégance à d'immenses chansons (ça n'est pas donné de reprendre Avec le temps ou La Nuit je mens en y glissant un souffle d'air), un gamin de Montréal, gueule d'amour et jambes de feu sur lequel «coach» Mika mise sans douter, et une artiste hors norme, regard foudroyant, bouille et voix lumineuses, dont chacun connaît déjà le nom: Anne Sila. Samedi soir, pour la dernière épreuve de l'émission, Julien Doré est même venu lui donner la réplique. Et c'est l'ancienne Nouvelle star qui paraissait intimidée. Anne Sila survole son domaine, laissant toujours planer sur ses prestations comme une grâce mystérieuse suspendue par des battements d'aile impalpables. Elle sera si les petits cochons ne la mangent pas une grande dame de la chanson française. Ça tombe bien, Juliette Gréco tire enfin sa révérence.

Baptiste Vignol