L'invitation de Bertrand Louis


Dans Vibrato, l'émission qui ce mois d'août 2013 dissèque sur Inter la chanson, sa magie, ses métiers, Kent raconte, explique et, parfois, tel Guy Béart, la guitare sur le genou, en pousse une avec conviction; c'est plus fort que lui. Ce lundi 19 août 2013, Vibrato parlait de «Poésie et chanson». De quoi revenir sur Aragon, Ferrat, Baudelaire, Villon, Ferré... Et, pour Kent, d'entonner, en évoquant Léo, C'est extra, le slow de l'été 1969. L'occasion de rappeler combien la version qu'en donnèrent le 3 janvier 1976 Michel Delpech et Claude François demeure la meilleure avec l'originale. Les voix de Michel et Cloclo, leur présence à l'écran, l'aisance tranquille du duo. Quels trentenaires de la Variété pourraient aujourd'hui proposer reprise aussi convaincante de ce standard


Dans son rendez-vous du 19, Kent n'a pas évoqué SANS MOI, le cinquième disque de Bertrand Louis. Et pour cause, l'album ne sortira qu'en octobre 2013. Bertrand Louis y met en musique douze poèmes ténébreux de Philippe Muray (1945-2006), extraits du recueil "Minimum respect" publié en 2003. Un disque jamais noirâtre que Bertrand Louis rend lumineux grâce à des compositions carrées bien qu'ondoyantes. «J'aime la pluie qui disperse les fêtes carnivores / S'il pleuvait de la merde, ce serait mieux encore...» (Ce que j'aime) Les morsures de Murray, leur pouvoir comique, trouvent dans la voix stylée du chanteur un écho étonnant. «La mise en chanson d'un poème est à mes yeux une forme supérieure de la critique poétique, écrivait Aragon en 1961 au dos de la pochette du 33 tours de Ferré, LES CHANSONS D'ARAGON. Elle recrée le poème, elle y choisit, elle donne à un vers une importance, une valeur qu'il n'avait pas, le répète, en fait un refrain. Léo Ferré rend à la poésie un service dont on calcule mal encore la portée, en mettant à disposition du nouveau lecteur, un lecteur d'oreille, la poésie doublée de la magie musicale.» Depuis l'ananar, ils sont rares les compositeurs à avoir déployé autant d'efficacité dans cet exercice d'appropriation. Au final, ces douze chansons inattendues sonnent comme une invitation à découvrir Muray. Costaud.

Baptiste Vignol