Michel Drucker, le cul vaguement posé sur une cantine, s’adressant à Serge Gainsbourg pour clore son hommage Serge Gainsbourg, 20 ans déjà diffusé samedi 19 février sur France 2, et annoncer en guise de générique de fin la chanson Je suis venu te dire que je m’en vais :
- Serge [le regard de Drucker planté dans la caméra], on ne pouvait pas se quitter sans toi… À bientôt, mon pote!
Le ridicule ne tue plus : il est à la une sur France Télévision.
Brassens, Gainsbourg, la course aux droits d’auteur est lancée. Battez tambour!
Gilles Verlant, en pantalon jaune, il faut faire jeune, vendait sa camelote chez Drucker, et Bertrand Dicale publie prochainement, le 22 février, Brassens ? chez Flammarion, avec la promesse opportune de rétablir quelques vérités - tiens, tiens-, de mettre en lumière “la complexité de la pensée” du chanteur, de poser les questions qui fâchent…
Était-il vraiment de gauche? La lancinante antienne. Quelle était sa morale? Où puisait-il son inspiration?... Va-t-on encore nous resservir l’épuisant débat autour des Deux oncles au sujet de laquelle certains “fanatiques” (Brassens dixit) lui sont tombés dessus à bras raccourcis? “En principe, ça ne devrait rien me faire, [les critiques], mais quand tu reçois une lettre d’une vieille dame qui te dit : "Monsieur, depuis que j’ai écouté votre chanson, je suis parfaitement désespérée. Maintenant, je me demande si mon mari n’est pas mort pour rien et ce que je fais, moi, sur la terre…" Qu’est-ce que tu veux que je lui réponde, à cette brave vieille ? Ils me font une tête grosse comme ça ! Et puis il y a ceux qui disent que je suis devenu collaborateur... Oui, une tête grosse comme ça, ils me font !”
L’éminente cinéphile Danièle Heymann a longtemps approché Georges Brassens puisqu’épouse de Jean Bertola, secrétaire artistique du “roi Jo”. Elle propose dans Marianne (12 au 18 février 2011) un bel article qui vaut tous les hommages, trente ans après.
“Je me souviens qu’il était distant et chaleureux, disert et silencieux, charmeur et pudique, qu’il était vêtu étrangement, de polos anachroniques, de survêtements modestes. Je me souviens que jamais une paire de ciseaux ne toucha sa chevelure, que, de temps en temps, d’une allumette il brûlait ses boucles pour les raccourcir… Je me souviens de sa façon d'être avec les animaux, les chats surtout, des gestes presque amoureux, une connivence, un lien. Les enfants, c'était différent. Il les regardait avec un faux détachement, une curiosité à la dérobée. Je me souviens de ma fille Stéphane, elle avait environ deux ans, il la portait comme une valise en l'attrapant par les bretelles de sa salopette, elle riait beaucoup. Un jour, car il aimait donner des surnoms, il l'a appelée "Rougnouse", et j'en ai eu les larmes aux yeux. Parce que Rougnous avait été l'un de ses chiens bien-aimés...” Une amie se souvient.
Vos souvenirs, Madame, dépassent toutes les analyses défraîchies car ils ont le goût de la confidence.
Baptiste Vignol