C’était déjà difficile d’être socialiste, cela devient impossible. Benoît Hamon, missionné par le PS au Grand journal de Canal +, multiplie les fausses notes. Il porte pourtant le nom d’un orgue au son envoûtant, quand il est joué sans couac, le Hammond B3, mais le sait-il ? Ignorant tout de la musique et de la manière dont elle se fabrique, il dénonce la loi Hadopi comme étant liberticide, l’imbécile. La première atteinte à la liberté, ce n’est pas Hadopi. La première atteinte à la liberté, c’est de dépouiller l’individu du fruit de son travail, sans son consentement, sans qu’il puisse fixer le prix de ce qu’il a produit, qu’il s’agisse de carottes, de paniers en osiers, de plans d’architectes ou de toiles de maîtres. Pourquoi ce qui est vrai pour un boulanger ne le serait-il pas pour un musicien ou un cinéaste ? À moins de considérer que la culture compte pour du beurre.
Produire une œuvre musicale coûte cher, très cher. Quel modèle économique permet d’offrir «gratuitement» ce qui est cher à fabriquer*? Même un socialiste chevronné ne pourra nous l’expliquer.
Et que l’on cesse de comparer, comme certains n’hésitent pas à le faire, la musique et les journaux gratuits. Ces derniers sont truffés de pub et financés de cette manière (je ne m’étendrai pas sur le contenu rédactionnel à la solde d’on ne sait trop qui, la gratuité ayant parfois un parfum de propagande). Ou alors, il faudrait accepter que les chansons téléchargées gratuitement soient également interrompues toutes les 30 secondes par une pub Tampax, en guise de nouvelles règles.
Si demain, la morale d’internet et les arguments fallacieux de ceux qui invoquent une loi liberticide devaient s’étendre au reste de l’économie, on se rendrait vite compte des limites du système.
- J’ai trouvé un moyen de remplir mon caddie et de sortir de la grande surface sans passer par la caisse. Ce n’est pas du vol !
- Je possède une clef qui me permet de démarrer toutes les voitures et de partir avec, je ne fais rien de mal.
- De toute manière, je n’aurais pas acheté cette paire de chaussure, alors le fabricant devrait être plutôt flatté que j’accepte de la porter gratuitement.
- Le caviar, c’est trop cher, alors je me sers.
Ceux-là mêmes qui donnèrent la parole à Benoît Hamon sur la chaîne cryptée, sans trop chercher à le contrarier, sont les premiers à lancer la police aux trousses des petits malins qui savent pirater les décodeurs Canal +. Ils ont pourtant eux aussi, à l’instar des voleurs internautes, l’alibi de vouloir accéder à la culture. Michel Denisot, assis sur son mirobolant salaire, aurait pu faire valoir un peu plus haut que sans les deniers des abonnés son «Grand journal» deviendrait rapidement un «misérable journal».
Je veux bien envisager de donner mes œuvres à ceux qui n’ont pas du tout les moyens de se les procurer ; et exclusivement à ceux-là. Les Fnac du cœur, pourquoi pas. Mais qu'au minimum, on me remercie pour mon geste, je n’étais pas obligé. Je n'admets plus que l’on trouve normal de me piller. Ce n’est pas seulement d’argent que l’on me dépouille, c’est toute ma valeur que l’on réduit à néant. Je me sens humilié par si peu de considération. Si le rôle social que je joue n'est pas aussi important, il est au moins aussi noble que celui des politiques. Si certains revenus sont discutables, penchons-nous d'abord sur ceux que leur confèrent leurs mandats, payés par notre solde, et quelles que soient leurs compétences. En tant qu'artiste, je n'en demande pas tant. C'est uniquement mon travail que je veux voir rétribué, à hauteur de que le public jugera digne de lui sacrifier.
Bien entendu lorsqu’on se réfère au nombre important de personnes qui s’adonnent au téléchargement illégal, se ranger de leur côté est plutôt opportun. Cela n’aura visiblement pas échappé au PS en quête de voix. Certains artistes n’osent même pas affirmer devant les caméras, que ce vol caractérisé leur porte atteinte, préférant la popularité à la loi.
Accepter que la création appartienne à tout le monde, gratuitement, sans contre partie, c’est affirmer haut et fort qu’elle ne vaut rien. Jusqu'à présent ce type de raisonnement était plutôt l'apanage d'une droite très à droite.
Vincent Baguian
* L’enregistrement de mon dernier album a duré un mois et demi et coûté 80 000 Euros (hors jaquette, photos, clip, promo). Construire un studio d’enregistrement digne de ce nom équipé du matériel adéquat coûte plusieurs centaines de milliers d’Euros. Devenir musicien, arrangeur, ingénieur du son, demande autant d’années d’études qu’un chirurgien. Je cède tous mes droits d’auteurs à des associations quand je le juge utile, c’est beaucoup et on peut vérifier. Qu’on me laisse décider à qui je veux donner.
Produire une œuvre musicale coûte cher, très cher. Quel modèle économique permet d’offrir «gratuitement» ce qui est cher à fabriquer*? Même un socialiste chevronné ne pourra nous l’expliquer.
Et que l’on cesse de comparer, comme certains n’hésitent pas à le faire, la musique et les journaux gratuits. Ces derniers sont truffés de pub et financés de cette manière (je ne m’étendrai pas sur le contenu rédactionnel à la solde d’on ne sait trop qui, la gratuité ayant parfois un parfum de propagande). Ou alors, il faudrait accepter que les chansons téléchargées gratuitement soient également interrompues toutes les 30 secondes par une pub Tampax, en guise de nouvelles règles.
Si demain, la morale d’internet et les arguments fallacieux de ceux qui invoquent une loi liberticide devaient s’étendre au reste de l’économie, on se rendrait vite compte des limites du système.
- J’ai trouvé un moyen de remplir mon caddie et de sortir de la grande surface sans passer par la caisse. Ce n’est pas du vol !
- Je possède une clef qui me permet de démarrer toutes les voitures et de partir avec, je ne fais rien de mal.
- De toute manière, je n’aurais pas acheté cette paire de chaussure, alors le fabricant devrait être plutôt flatté que j’accepte de la porter gratuitement.
- Le caviar, c’est trop cher, alors je me sers.
Ceux-là mêmes qui donnèrent la parole à Benoît Hamon sur la chaîne cryptée, sans trop chercher à le contrarier, sont les premiers à lancer la police aux trousses des petits malins qui savent pirater les décodeurs Canal +. Ils ont pourtant eux aussi, à l’instar des voleurs internautes, l’alibi de vouloir accéder à la culture. Michel Denisot, assis sur son mirobolant salaire, aurait pu faire valoir un peu plus haut que sans les deniers des abonnés son «Grand journal» deviendrait rapidement un «misérable journal».
Je veux bien envisager de donner mes œuvres à ceux qui n’ont pas du tout les moyens de se les procurer ; et exclusivement à ceux-là. Les Fnac du cœur, pourquoi pas. Mais qu'au minimum, on me remercie pour mon geste, je n’étais pas obligé. Je n'admets plus que l’on trouve normal de me piller. Ce n’est pas seulement d’argent que l’on me dépouille, c’est toute ma valeur que l’on réduit à néant. Je me sens humilié par si peu de considération. Si le rôle social que je joue n'est pas aussi important, il est au moins aussi noble que celui des politiques. Si certains revenus sont discutables, penchons-nous d'abord sur ceux que leur confèrent leurs mandats, payés par notre solde, et quelles que soient leurs compétences. En tant qu'artiste, je n'en demande pas tant. C'est uniquement mon travail que je veux voir rétribué, à hauteur de que le public jugera digne de lui sacrifier.
Bien entendu lorsqu’on se réfère au nombre important de personnes qui s’adonnent au téléchargement illégal, se ranger de leur côté est plutôt opportun. Cela n’aura visiblement pas échappé au PS en quête de voix. Certains artistes n’osent même pas affirmer devant les caméras, que ce vol caractérisé leur porte atteinte, préférant la popularité à la loi.
Accepter que la création appartienne à tout le monde, gratuitement, sans contre partie, c’est affirmer haut et fort qu’elle ne vaut rien. Jusqu'à présent ce type de raisonnement était plutôt l'apanage d'une droite très à droite.
Vincent Baguian
* L’enregistrement de mon dernier album a duré un mois et demi et coûté 80 000 Euros (hors jaquette, photos, clip, promo). Construire un studio d’enregistrement digne de ce nom équipé du matériel adéquat coûte plusieurs centaines de milliers d’Euros. Devenir musicien, arrangeur, ingénieur du son, demande autant d’années d’études qu’un chirurgien. Je cède tous mes droits d’auteurs à des associations quand je le juge utile, c’est beaucoup et on peut vérifier. Qu’on me laisse décider à qui je veux donner.