Sous le soleil de ses mains

 
(Photo Laurent Calut)

Que cachent-elles, ses mains ? Quel sang d'or les irrigue ? Ses mains qui caressent, chevauchent, réveillent son piano. Clignotent comme des lampions de bal pour saluer la foule – deux soleils blancs enrayonnés… Ces mains qui décollent à la verticale, stationnent en apesanteur, tel deux colibris qui voudraient fiche le camp, lui échapper, puis repiquent en plongeant sur l'océan de son clavier. Quel génie domptent-elles ? Quand elle recoiffe sa crinière fauve. Qu'elle tapote en douce le châssis de son piano comme le cavalier flatte l'encolure de son cheval pour le remercier. Qu’elle caresse (de la main gauche) l'épaule de Mehdi Benjelloun, l’un de ses deux choristes, tandis que de l'autre (la droite), elle se saisit sur Rien que de l'eau d'une longue mèche blanche qui pointe sur le front de Guillaume Eyango : Elle / En attendant l'orage / Elle te pardonnera ton âge / Et l'argent de tes cheveux...” Que disent-elles encore, ces mains ? Quand elles éclosent vers le public. Se serrent en un poing rageur : “Révoltons-nous !” Ou s'unissent dans son dos lorsqu'elle regarde, à la façon d'une promeneuse sous la voûte étoilée, ses cuivres s'enflammer… Qu'enfantent-elles enfin, ces mains d'où naissent l'encolure de ses chansons ? Ces mains qui nous mènent à Bahia. À Vancouver. En nous rendant fiers d'être là. Et qui, dans un geste émouvant, applaudissaient hier soir au Zénith de Toulouse les cinq mille spectateurs qui l'acclamèrent longuement en scandant des «Véro ! Véro !» enamourés. Et ce sourire, dites, d'où vient-il? Et cette voix? Phosphorescente, tombée du ciel... D'où sourd-elle? Et cette poésie? Cette grâce, douce et violente à la fois? Mystère. D'elle.

Baptiste Vignol