Brigitte Fontaine et son quant-à-soi


«Depuis la mort d'Alain Bashung, c'est le plus grand chanteur français» assure Brigitte Fontaine à la journaliste Elodie Emery du magazine Marianne, laquelle approuve d'un laconique «Sans doute.». Mais de qui parlent-elles ? De Bertrand Cantat, à qui l'hebdomadaire consacre trois pages dans son numéro du 18 février 2012. Sur quels critères l'autoproclamée Reine des Kékés se fonde-t-elle pour décerner une médaille aussi discutable ? Vocalement parlant, si l'on veut prendre en compte la profondeur de chant, l'éclat du timbre et le pouvoir émotionnel, les palettes, à la louche, de Christophe, de Catherine Ringer, de Jean-Louis Murat, de Diane Dufresne, de Danyel Waro (récemment intronisé «plus grand chanteur français du monde» par les Inrocks, décidément !), de Camille, d'Alister, de Richard Desjardins, de Dominique A (qui présentait le 26 janvier 2012 au Théâtre de la Ville de Paris les titres de son nouvel album VERS LES LUEURS à paraître fin mars - des chansons rocks aussi tendues que l'étaient celles de Noir Désir, mais sur lesquelles la voix blanche du Nantais jette un phare éblouissant) ou de Johnny Hallyday viseraient également la plus haute marche du podium. Question «écriture», les mêmes, sauf JH, n'ont jamais eu à forcer leurs talents pour jouer au niveau du rockeur. Quant au charisme, à vue de nez, l'aura du Beau bizarre - qui lui-même n'avait rien à envier à Bashung -, l'incandescence de Waro, l'animalité d'Hallyday ou la parfaite folie de Diane Dufresne lui sont encore supérieures, tout en n'ayant nul besoin d'un halo malsain pour fasciner davantage. «Je suis vieille et je vous encule» dégainait la Fontaine en 2009 dans Prohibition. Une invective qui n'incite en aucune façon à souscrire aux balivernes que la Folle professe, et qui ont perdu le charme de l'incohérence spontanée.

Baptiste Vignol

Whitney, si tu nous vois...


Le corps mort de Whitney Houston, scandale innommable. Comment triturer cette image et l'effacer, afin que les yeux seuls de la chanteuse demeurent, d'où fuse le regard filtré par l'écrin des cils dans le sillage de l'explosion harmonique jaillissant de sa bouche vivante comme un sexe mangeur, denté de nacre immaculé? Alors qu'elle s'imposait en 1986 à la face du monde, qui aurait osé lui manquer de respect autre que Gainsbarre qui insulta sa beauté sur un plateau de télévision où officiait un animateur hilare en pleine jubilation d'un esclandre dont il saurait bien tirer profit? Whitney Houston est morte et c'est chez le même animateur toujours hilare que nos journalistes avisés vont chercher quelque témoignage... L'image de la femme au sexe dévorant est une constante dans de nombreuses civilisations. Pour Gainsbourg à moitié ivre, la splendide figure de Whitney Houston, 22 ans, lui sembla probablement une provocation pour sa masculinité dominatrice dont il percevait inconsciemment la lente atrophie. Il se jeta gauchement dans la défaite, vaine et piteuse tentative d'une dernière attaque. Mais il avait besoin d'un tiers: "I want to fuck her!" glissa-t-il à l'animateur qui ne se lasse pas, un quart de siècle après les faits, de raconter l’épisode.
Stars et vedettes du monde entier, patientez avant de mourir, un présentateur français de 70 ans en fait son fonds de commerce.

Baptiste & Jean-Claude Vignol