Véronique Sanson et Michel Berger se sont aimés et puis, après s’être séparés, se sont secrètement écrits des chansons d’amour absolu qu’ils s’adressaient en cachette par disques interposés comme autant de déclarations dont ils étaient les seuls à détenir la clef. On pourrait croire que cette correspondance clandestine dont le public n’eut la révélation qu’après la mort de Michel Berger concerne une poignée d’aubades, de suppliques, parmi lesquelles le fameux tandem Seras-tu là ? / Je serai là serait le symbole. Dans « Toute une vie sans se voir », ce spectacle remarquablement construit, deux musiciens, Julie Rousseau, une brune incarnant Véronique, et Bastien Lucas, alias Michel, dévoilent avec finesse, chacun à son piano, combien le feu inextinguible qui coulait dans leurs veines embrasa vingt ans durant (de 1973 à 1992) un échange musical passionnel, passionnant et parfaitement unique en son genre. Au fond, cette correspondance bouleversante entre deux artistes pop que l’Atlantique tint à distance montre à quel point le manque, la solitude, l’espoir, le mal de vivre et d’aimer sont les seuls thèmes qui vaillent, parce qu’ils résistent au temps, et perlent en larmes incandescentes qui finissent toujours par couler sur nos lèvres.
Baptiste Vignol