13 septembre 1980, Brel est mort depuis bientôt deux ans, et dans un mois et demi, Brassens s'en ira aussi. Changement d'époque. À la télévision, dans un Numéro 1 produit par les époux Carpentier, Laurent Voulzy à la guitare, Alain Souchon et Michel Jonasz au piano accompagnent un damoiseau qui, le foulard rouge autour du cou, chante La P'tite Bill, elle est malade. «Bill, ma Bill, t'es comme tout l'monde:/ Quand ça coule de tes yeux, ça tombe/ Mais c'est pas des confettis/ Cette pluie.» Complice, chevelue, souriante, la Nouvelle chanson française est là, royale, qui, l'air de rien, trouve les mots justes pour dépeindre un pays dont l'âme semble-t-il déjà s'étiole: «C'est une vieille maladie poisseuse/ Un sacré manque d'amour qui creuse/ Dans nos villes, dans nos campagnes/ Ça gagne…» Plus tard, Alain et Laurent écriront ces déclarations d'amour et de fraternité que sont Belle-Île-en-Mer (1986), Jésus (2001) ou la très actuel Et si en plus y a personne (2005), Michel jouera sa pièce, «Abraham» (2009), et Renaud, qui, en 1992, ferait partie de ceux qui, avec Philippe Val, Gébé et Cabu, financèrent le lancement d'un journal satirique ayant pour nom Charlie Hebdo, avant d'en devenir chroniqueur, fera demander à sa fille dans une chanson où les dieux avaient encore une fois failli, et qui racontait la chute fatale d'un chaton: «"Pourquoi t'as jamais un pape sur les toits?"/ "Être trop près du ciel, p't'êt' qui z'aiment pas"»...
Baptiste Vignol