Novembre 2022. Le vaisseau royal de Véronique Sanson s’amarre trois soirs au quai des Folies Bergère à Paris. Depuis quelques semaines, lancée dans une nouvelle tournée, l'artiste subjugue les foules de tous âges. L'inaltérable triomphe d’une chanteuse exceptionnelle dont l'amour fougueux pour la musique auréole l’œuvre depuis 1972. La voir s’asseoir à son piano, s’emparer du clavier, le conquérir, libre et rebelle, tandis qu’elle croise ses jambes, les décroise et se dresse par instants au-dessus de son tabouret ne peut qu'impressionner celle ou celui qui découvre le saisissant spectacle d’une musicienne domptant son Bösendorfer. Elle et Lui ne font qu’une, qu’un, osmotiques, dans le phosphore irréel de sa voix, la splendeur fauve de son aura. Observer les caresses voletantes de ses doigts sur les touches. Les voir s'interrompre en suspens puis plonger, rebondir et poursuivre leur cavalcade. Remarquer le léger tapotement sous le plateau de clavier dont discrètement elle gratifiera l'instrument comme une cavalière félicite son cheval. Et puis regarder son corps se cambrer, ses reins s’arquer, sa silhouette se renverser dans le vide. L’incendie d’un soleil couchant. Le déploiement d’une Femme-piano dont la chevelure est un phare. Enfin, dans la fièvre d’un théâtre en feu dont des centaines de spectateurs connaissent toutes les chansons par cœur et l’accompagnent d’une même voix, noter l’éclat de son sourire, le sourire d’une enfant, quand, après avoir chanté Ma révérence (cette adamantine complainte...), Visiteur et voyageur (ce déchirant portrait…), Amoureuse ou Bahia (qu’elle interprète plus rugissante et sensuelle que jamais), «Véro», avec une tendresse désarmante, applaudit le public qui l’acclame. Unique. On dit qu'elle mesure moins d'un mètre soixante. C’est la plus grande.
Baptiste Vignol