Chanteuse hors pair

A quoi se mesure la popularité d’une «vedette» de la chanson? Aux grands titres de la presse parisienne? Aux pastilles dites «culturelles» des JT nationaux? Aux bons points de Didier Varrod? Taratata! Elle se jauge aux salles pleines que les artistes enchainent au fil de leurs tournées. Lynda Lemay, ce mardi 11 octobre 2022, remplissait – et c’est peu dire, plus un fauteuil de libre – l’Olympia de Paris, pour la soixante-deuxième fois de sa carrière. Combien de musiciens de la scène francophone apparus au tournant des années 2000 peuvent se targuer d’une tel souffle, d’une telle prouesse, d’un tel amour sans cesse renouvelé? Lynda Lemay ne s’en targue pas d’ailleurs, elle s’en émerveille, incrédule face à la fidélité de cette foule qui l'attend, la suit, l'écoute avec une stupéfiante dévotion. Quand Lynda Lemay chante boulevard des Capucines, simplement accompagnée par Claude Pineault à la guitare et au piano, ce sont deux mille personnes qui fredonnent d’une même voix les grandes pièces de son répertoire (De tes rêves à mes rêves – l’une des plus belles chansons qui soient, Le plus fort c’est mon père, La visite, Les souliers verts, La marmaille, etc). Deux milles personnes qui l’accompagnent dans son interprétation, l'escortent, la portent et font de certaines parties du concert un moment suspendu, de communion, miraculeux, comme la proue d'un transatlantique qui fendrait les flots. De quoi époustoufler Nana Mouskouri présente dans la salle (rang 7, fauteuil 9), à côté de Gérard Davoust, leur éditeur commun. Lynda Lemay est en tournée et chacun de ses spectacles se déroule comme une fête. La critique fait mine de ne pas le voir. Quand le bon peuple s’émeut face aux fulgurances de son écriture, s'esclaffe sur Ma zombie et chavire sur Ta robe, deux de ses nouvelles pépites. Dans ce monde incertain, une chose est sûre: le prochain passage de la chanteuse à l’Olympia affichera complet, comme les soixante-deux précédents. Car si le public aime Lynda, la Québécoise le gâte tout autant, avec un naturel confondant.

Baptiste Vignol