«Ça va, Laval?» Voici comment en septembre 2016, aux Trois Baudets, le chanteur de luxe Alister débuta l'un de ses trois sets de rentrée, joués comme certaines légendes retirées du circuit accordent pour le plaisir, et pour garder la main, avec la désinvolture et l'aisance du vieux briscard, quelques leçons de prestige à d'heureux privilégiés dans des country clubs désuets où l'on a su conserver l'âme des bandeaux en éponge et des Donnay en bois. «Ça va, Laval?» donc. En plein Pigalle. Le ton était donné. Ne pas compter sur Alister pour se la raconter. Entouré des musiciens qui l'escortaient déjà à ses débuts lorsqu'on était en droit d'imaginer qu'AUCUN MAL NE VOUS SERA FAIT (2008) incendierait la scène franco-française vers la fin des années zéro, Alister alterna ce soir-là anciens titres glorieux, qui n'ont rien perdu de leurs effets rebondissants (Qu'est-ce qu'on va faire de toi?, Fille à problèmes, La femme parfaite), et nouveautés saignantes dont une, Les filles entre elles, interprétée seul au piano, a tout du trésor caché davidmcneillien. Après six années de retraite occupées à propulser Schnock, «la revue préférée des vieux de 27 à 87 ans», Alister sort cet automne MOUVEMENT PERPÉTUEL, l'album du come-back musical, qui reprend avec classe l'énergie des deux précédents. Treize chansons inédites jouées flamberge au vent, à l'assaut du filet, quand ça n'est pas tout en nuance, à la Miloslav Mečíř, fortes d'un relâchement plutôt singulier sous nos contrées. Aux Trois Baudets, les spectateurs ne s'y trompèrent point qui l'acclamèrent en héros tandis que le rédac chef le plus pop de Paris quittait la scène sans tralala annonçant simplement, les cheveux en bataille: «À la prochaine, avec une coiffure différente!»
Baptiste Vignol