Les pschitt du buzz


Rarement disque de pop française n'avait été à ce point guetté prétendirent certains journalistes dont Valérie Lehoux (Télérama) pour évoquer VENGEANCE de Benjamin Biolay. Faux. MISTER MYSTÈRE en 2009 de -M- qui succédait à QUI DE NOUS DEUX? (2003), MUSIC HOLE (2008) de Camille qui suivait LE FIL (2005), DES VISAGES DES FIGURES (2001) de Noir Désir qui venait après 666.667 CLUB (1996), COMME ON A DIT (2000), le deuxième album de Louise Attaque, AU RAS DES PÂQUERETTES (1999) d'Alain Souchon qui parut six ans après C'EST DÉJÀ ÇA, CARCASSONNE (1994) de Stephan Eicher, prolongement d'ENGELBERG (1991), PARIS AILLEURS (1991) d'Étienne Daho dans la foulée de POUR NOS VIES MARTIENNES (1988), MARC ET ROBERT (1988) des Rita Mitsouko comme un ricochet de THE NO COMPRENDO (1986), UN AUTRE MONDE (1984) de Téléphone après DURE LIMITE (1982)... ont chacun suscité l'emballement des médias.
Après l'indéniable carton de LA SUPERBE (2009), qui comportait trois morceaux irréels, la chanson-titre, Brandt Rhapsodie et Ton héritage, il était un fait que le nouveau Benjamin Biolay porterait mille espérances. VENGEANCE hélas ne fait ni chaud ni froid, ne comptant aucune chanson majuscule. S'écoulant à seulement 15.000 unités la semaine de sa sortie, arrivant loin, très loin derrière SANS ATTENDRE de Céline Dion (90.000 exemplaires), le CD se retrouvait en dixième position du Top huit jours plus tard avec 6.000 ventes, s'écroulant à la vingt-sixième place en troisième semaine (3.500 ex.). La douche. À se demander s'il n'était pas davantage attendu par la critique musicale que par le public qui n'en a pas fait grand cas. N'est-il pas d'ailleurs curieux de constater que la notoriété de Benjamin Biolay ne repose sur aucun tube populaire? Une vedette sans succès. Sur dix passants à qui l'on demanderait de fredonner l'une de ses chansons, combien s'en montreraient capables? Un? Deux?


Même surcote pour SUPER-WELTER dont on a pu entendre qu'il était digne des meilleurs Bashung et Christophe. Un disque «magique», c'est un album qu'on écoute cinq cent fois sans que rien ne contrarie le plaisir de l'entendre encore et encore. LES PARADIS PERDUS (1973) ou LES MOTS BLEUS (1974) côté Christophe, CHATTERTON (1994) ou FANTAISIE MILITAIRE (1998) chez Bashung, font partie de cette catégorie. SUPER-WELTER, lui, lasse après trois passages, Raphaël n'ayant ni le style des paroliers Jarre et Fauque, ni la majesté mélodique pas plus que le phrasé magnétique des seigneurs Bashung et Bevilacqua.


Rayon entertainer enfin, inutile d'accabler Mathieu Chedid sur lequel chacun s'acharne désormais, et pas seulement pour la pochette d'ÎL - la plus belle laide de l'histoire du disque? Disons simplement que comparé au nouveau single de Robbie Williams, Candy, dont le clip a été vu 20 millions de fois sur le Net en deux mois, Mojo, lui aussi filmé dans la rue, montre combien le minet parisien, 41 ans, s'agite dans l'ombre de l'inimitable superstar.


Finalement, les deux disques indispensables de cette fin d'année ne sont pas encore disponibles en France mais viennent de recevoir un Félix au Québec, car c'est là-bas, à Montréal, que s'enregistre aujourd'hui le meilleur de la production francophone. Le Félix de l'album 2012 est revenu à L'EXISTOIRE de l'immense Richard Desjardins qui n'a jamais déçu; Lisa Leblanc, épatante et tempétueuse auteur-compositrice-interprète de 22 ans qui s'inscrit avec panache dans le paysage de Diane Dufresne et de Robert Charlebois, recevant pour son premier essai le Félix de la Révélation. Carrément mérité.

Baptiste Vignol